Bienvenue
en zone humide².
Un
matin de janvier.
Notre-Dame-des-Landes.
Brouillard
glacial et mobile.
La
ZAD a été découpée en une quinzaine de zones d'inventaire
naturaliste et paysager.
Cartes,
photos aériennes, fiches de relevé.
Deux
cents personnes couvrent l'ensemble de la zone.
Nous
commençons par une prairie renaturée avec traces de labour. Des
traces de sanglier. Un campagnol des champs se fait attraper,
ausculter, photographier. Il est libéré dans la haie la plus
proche.
La
voie du chevreuil.
On
voit son cul au loin. Il bondit.
Inventaire
et cartographie détaillée des haies. Discontinues, continues,
arbustives et buissonnantes, avec ou sans talus. Les arbres avec
cavités. Mares ouvertes ou fermées. Dimensions, acidité. Tritons
marbré, vulgaire, commun, crêté, alpestre, palmé, grand triton.
Œufs de papillon dans les aubépines, araignées d'hiver et de plein
champ, aux toiles complexes à forte technicité. Le brouillard est
dense. L'eau est partout. Des chasseurs au loin, un chien, un
chevreuil. Il montre encore son cul, de bond en bond. Le chien,
langue éjectée, renonce. Arrêt cardiaque. Un campagnol agreste
aligne ses crottes incontestables.
« Avec
l'épuisette, on tape tout. Le piégeage, c'est dangereux. Un piège
mal orienté et ils se noient. »
Naturalistes
traquant leur propres bavures.
Battue
au zadiste crêté.
Bavure
de policiers.
Quand
le premier ministre est à Nantes, la ZAD est bouclée.
Vigie
pirate bocager.
Danse
avec les ronces.
Essartage,
émondage.
Campagnol
amphibie te dit que.
Lièvre
qui montre son cul au chevreuil qui montre son cul au vivant qui
montre son cul au gendarme qui montre son cul au juge qui montre son
cul au journaliste qui montre son cul au lièvre.
Jugement
des deux manifestants dénudés de la forêt de Rohanne.
Le
crime sexuel a été requalifié en outrage.
Le
18 février au tribunal de Saint-Nazaire.
Quand
l'accusation est drolatique ou burlesque, c'est pour les juges de
Saint-Nazaire : une compagnie d'uniformes « chargée »
par le tracteur d'un opposant historique de l'Adeca, un couple qui se
dénude en pleine expulsion, la « destruction de terres »
en bande organisée, tout çà.
Cinquante
nouveaux clients se dénudent dans la ville ouvrière à qui on fait
construire des paquebots de luxe.
« Naturistes en lutte. »
Mandat
d'arrêt sans suite contre le chevreuil.
Idem
salamandre tachetée.
Devenue
emblème de François 1er, celle-ci est sensée traverser
le feu. Capacités susceptibles d’intéresser les bio-technologies
et l'industrie du vivant, l’industrie de la guerre. Opportunité de
brevets.
Vaches.
Aubrac. Parce qu'elles résistent aux grenades lacrymogènes.
Idem.
Des
vaches pour le maintien de l'ordre.
Des
brevets, on veut des brevets.
On
parle à midi.
On
parle de Nantes Atlantique, le vrai aéroport.
« Les
avions au départ de Nantes Atlantique détruisent le lac de
Grand-lieu. »
Grand-lieu.
Lac naturel d'effondrement.
Au sud de l’agglomération.
Plusieurs milliers d’hectares.
Réserve
naturelle nationale sur la zone centrale du lac depuis 1980, adossée
à d’autres périmètres de protection.
Un
morcellement parcellaire poussé.
Un
grand parfumeur a légué son domaine.
Label Natura
2000 depuis 2002.
« Les
avions au départ de Nantes Atlantique détruisent le lac de
Grand-lieu. »
Nouvel
argument des grands élus qui dirigent d'une main sur la (notre)
bouche.
Argument
à durée de vie courte.
Du
nitrate d'azote rejeté par la combustion.
Du
kérosène.
Moins
qu'avant.
Attendre
et voir.
Les
populations d'oiseaux copulent et croissent sans porter intérêt aux
survols.
Le
devenir du lac est autrement plus complexe et presque personne ne le
connaît à Nantes.
Grand-lieu
est « invisible » à sa façon.
Difficile
à approcher.
Espace
de battement à faible profondeur.
Zone
d’écrêtage des crues.
Grand-lieu
est en hiver le plus grand lac de plaine français.
Historiquement,
le système hydraulique du lac est travaillé par les communautés
riveraines. Les arrangements sont réalisés dans une certaine
conflictualité. Celle d’un espace fortement artificialisé.
Le
régime des eaux du lac dépend
depuis des décennies d’un arrêté ministériel
et son devenir des transformations socio-spatiales actuelles.
Vulnérabilités
du lac selon l’Inventaire national du patrimoine naturel des sites
Natura 2000.
« Envasement préoccupant du lac, lié aux aménagements agricoles du bassin versant et aux rejets polluants entraînant d'importantes perturbations dans le fonctionnement écologique de l'ensemble. Des travaux de dévasement et une amélioration dans la gestion des niveaux d'eau ont été entrepris récemment. Inquiétude également du fait de l'envahissement, pour l'instant localisé, de certains émissaires du lac par une plante aquatique exotique. »
Crise de botulisme.
Cinquante mille oiseaux à la casserole.
Urbanisation,
productivisme agricole, eutrophisation, envasement.
Les
gestionnaires choisissent de relever les niveaux d’eau au printemps
et en été, aux dépens de certains usagers traditionnels. En 2001,
une coalition d’éleveurs, de chasseurs et de pêcheurs obtient par
une action radicale et formellement illégale, l’abaissement des
niveaux.
La
querelle s’enfle.
On
s’envoie à la tête du « négationnisme scientifique »
et des voies de fait. Loïc
Marion, alors directeur de la réserve naturelle de Grand-Lieu et
chercheur au CNRS, est « pris en otage, conduit dans les marais
où il sera contraint de rester quelques heures les pieds dans
l’eau. »
Le
même Loïc Marion, pourtant brocardé comme naturaliste compulsif,
décrit ainsi la menace aéroportuaire sur Grand-Lieu.
« Les
avions ne gênent nullement la faune de la réserve naturelle,
puisque son survol s’effectue à plusieurs centaines de mètres de
hauteur, bien au-delà des 300 mètres d’interdiction réglementaire
de survol aérien de la réserve. » Le départ des avions
aurait plutôt comme conséquence paradoxale la reprise du front
d’urbanisation sur la rive nord du lac.
Retour
sur la ZAD.
Plus
loin, des coupes de chênes quasi-centenaires.
Fûts
énormes de ces arbres de haie qui bénéficient des conditions
exceptionnelles du plein champ, espace et ensoleillement, et font un
gigantesque bras d'honneur au député-maire de Couëron, le
spécialiste mondial des terres pauvres.
Les
premiers fûts ont été tractés et évacués, il ne reste que les
tas de branchages. Ici, on feint de croire que le barreau routier va
vraiment être construit. Le chevreuil et son cul, bondissant. À
nouveau. Trouant la haie et l'horizon.
Le
disparu, à peine entrevu.
Dans
un champs, loin de la route, un stockage de toilettes sèches et de
matériaux de récupération. Ils réapparaîtront à la ferme de
Bellevue. Un fil à linge dans un bosquet pas loin du chemin de Suez.
Un
seul exploitant sur une cinquantaine a refusé le parcours de ses
terres aux naturalistes.
Un
Chiapas vicinal en préparation.
Vaut
mieux qu'un stade Chile en partenariat public-privé.
Les
« naturalistes en lutte » créent un système
d’information géographique avec les données collectées lors des
différents inventaires. Une pratique partagée, une cartographie
numérique, un blog, une liste de diffusion relient les acteurs, la
connaissance et le terrain, déplaçant l'expertise du vertical vers
le mixte et le réticulaire, le sensible et le partagé.
Position
de recherche sans position.
Motion
sans congrès.
Colloque
singulier de l’université invisible.
Projet
d’écriture de ce texte.
Écrire
comme Paul.
Zéro
romantisme, zéro agressivité, zéro misérabilisme.
Février
2013.
« Sur
la ZAD, y a que les animaux qui sont bien logés, tous les autres, y
souffrent. »
La
ZAD va plus ou moins bien.
Conditions de vie dantesques question
confort moderne.
L’année est une des plus humides des dernières
décennies, la ZAD est une immense éponge, les fossés sont des
piscines d'eau claire qui viennent lécher les bitumes. On visualise
la puissance de l’inondation dans les bassins-versants. Au même
moment, la partie est du périphérique est sous les eaux, comme
chaque année, immobilisant les flux automobiles déviés dans toute
la voirie nord-est de Nantes.
Le
harcèlement policier tient compte de ses propres errements.
Les
opérations d’évacuation d’octobre et novembre 2012 ont échoué
parce que la violence policière est limitée localement par de
multiples contraintes.
Réactivité
et solidarité immédiates.
Normes
européennes.
Présidence
normale.
Capitale
verte.
Nationalisation,
puis internationalisation du conflit.
On
ne peut pas arrêter, brutaliser et expulser tout le monde sans coût
politique majeur. D’autant que les violences et maladroites
gesticulations militaires ont principalement soudé et développé la
coalition des opposants.
Le
scénario malien est tentant, mais réaliste, il ne l’est pas.
La
ZAD n’est pas l’Azawad et l’Acipa n’est pas le Mujao.
Pas
de guerre-éclair dans la boue sub-métropolitaine.
Pas
de possibilité de contrôler toute l’image.
De
dire comme Captain Flamby.
Nous
n’avons aucun intérêt ici.
Nouvelle
stratégie.
Harcèlement
de basse intensité.
Zèle.
Nocturne.
Ciblé.
Sur
les approvisionnements.
Sur
les gens endormis, isolés.
« Toute
une partie de la ZAD souffre, il s'agit de la zone nord de La
Paquelais. Parce qu'elle est harcelée chaque nuit par les flics,
parce qu'elle ne dispose, ni d'électricité ni d'eau courante, ni
presque de ravitaillement faute de moyen de transport. Je ne rentre
pas dans les détails, il n'est pas nécessaire d'informer plus nos
ennemis, mais je vous assure qu'il y a urgence à soutenir cette
zone, y compris moralement, donc je vous fais part d'une petite liste
de ce qui y est demandé prioritairement : recharges de tél. « Lyca Mobile » ou d'une autre marque que je ne peux pas
citer ici mais que certains d'entre vous doivent connaître,
nourriture et vêtements (surtout chaussettes ), tabac + feuilles, et
un peu d'alcool (pour tenir les tranchées comme en 14!), les AAA et
chargeurs de piles, des bougies, du PQ, bouteille de gaz, une antenne
radio pour capter internet, et une machine à laver le linge
écologique (on m'a montré une photo: c'est un tambour de lave-linge
derrière un vélo !).
Tout
est à livrer directement sur les barricades, et aux alentours, il y
a urgence. »
La
question de l’autonomie rêvée et en partie brisée par
l’occupation policière.
Aide
d’urgence, appel au secours, déstructuration de la ZAD.
« Elles
s'affairaient dans les conteneurs du Super U de Vigneux-de-Bretagne,
dimanche après-midi. Deux jeunes femmes ont été aperçues vers 16
h 30, les mains plongées dans des invendus du supermarché. Elles
étaient à la recherche de nourriture. Elles avaient escaladé
l'enceinte du magasin. Les gendarmes mobiles les ont interpellées et
placées en garde à vue. »
Présence
policière surdimensionnée dans toute la métropole.
Quatre
par quatre.
Autour
des bâtiments publics.
24/24.
Le
fourgon anti-émeute, nouveau mobilier urbain.
Nantes,
capitale maintien de l’ordre européenne 2013.
Rue
de l’Hôtel de ville interdite aux manifestants.
Un
coût faramineux.
Extravagant.
Infiltrations.
Peur
des poursuites et condamnations qui se multiplient au fil de l’eau.
Effets
collatéraux de la pression policière.
Usure,
fragmentation, nécessité de repos à l’extérieur de la zone.
Mutisme.
«
Ce n’est pas important d’où je viens. »
Ellipse
biographique.
Délocalisation
militante et bolchévique du réel de la vie.
Amputation
du récit de vie policièrement induite.
ZAD
infiltrée.
Part
considérable de l’activité policière consacrée à la
surveillance de la zone et des espaces reliés. Fusion
gendarmerie-police dans une section mobile de cinema novo et
une cantine numérique sans tabous. Création d’un live-show
multimédias à écrans multiples dans les locaux dédiés.
Ici,
on trouve un carnet rempli de numéros de téléphone. Ici, on fait
entendre des enregistrements de squats sonorisés. Là, on
cartographie les connections téléphoniques. Là, on arrête des
militants dans la rue, en plein centre-ville de Nantes, sur
photographies ou parce qu'ils ont de la boue sur leurs vêtements. Même les contrôleurs des transports publics sont
suspectés de collaborer. Paranoïa. La surveillance, la
documentation policière de la ZAD sont certaines et même efficaces.
On
arrête.
On
met en examen.
On
interdit de séjour sur la ZAD ou le département.
On
condamne.
Amendes,
prison, casier.
La
durabilité juridique d’un opposant.
DLC
courte.
Mais
cet espionnage policier est d’abord performatif dans l’effet
qu’il produit sur ceux qu’il espionne. La solution mutique fait
la fermeture à l’autre. Un inconnu, menaçant parce qu’il est
possiblement l’ennemi, le collaborateur policier, tandis que le
journaliste sous contrôle se promène en spectre d’informateur
dans le drame shakespearien de la ZAD.
Hamlet
à Nantes Métropole.
Alors
que l’autobiographie live est un acte clef des mouvements de
l’émancipation.
La
renomination collective en « Camille ».
Tentative
d’échapper poétiquement à la contrainte.
Échappatoire
modeste et queer.
En
allant plus loin, l’action policière d’espionnage et de contrôle
se déploie comme une atteinte à la poétique de la relation.
À
la poésie de l’habiter.
La
surveillance est à ce titre, et avec la même force que la publicité
politique métropolitaine et la démocratie occupationnelle, une arme
de destruction massive de la poésie, mise au service du parti des
passions tristes.
Une
atteinte à la souveraineté poétique.
Une
bastonnade du contrat social.
Coalition.
C’est
le mot savant pour définir le processus en cours depuis 1972 autour
de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
À
différentes échelles articulées entre elles.
Ce
processus, c’est la coalescence des oppositions et des opposants au
projet. Pour beaucoup d'entre eux, la rencontre n’a lieu qu'à
l’occasion dudit projet, et même de la répression qu’elle
suscite. La coalition constitue en elle-même un événement
socio-spatial. Elle contient l’université invisible à l’échelle
1/1 qui la contient aussi, sans se confondre.
Magie
de la coalition.
Système
d’acteurs évolutif.
Étrange
conflit sans leader, modalité qui panique les Big men et les
salariés du parti des passions tristes.
Système
réactif initial contre un projet, la coalition développe souvent
des excroissances inattendues. La coalition est un méta-système
spatialisé complexe, parfois chaotique. Par système spatialisé,
nous disons qu’il n’y a pas ici de « hors-sol », même
la matière du net a son mode de production concret et localisé. Par
méta-système, nous disons que la coalition est reliée à d’autres
coalitions, plus petites ou plus grandes, spatialement et
temporellement différenciées.
L’ancrage
territorial des luttes en Basse-Loire.
Quel
aveugle ne l’aurait pas vu.
La
lutte est devenu un élément du territoire.
Par
chaotique, nous observons qu’à de nombreux instants, la confusion
règne. La vie n’est jamais bien ordonnée.
La
coalition naît d’une situation qu’elle ré-engendre en la
réorientant et en l’amplifiant, produisant de l’inédit.
Une
ZAD-TAZ par exemple.
Zone
Amphibie Déprogrammée -Territoire Aménagement Zéro.
Zone
d’autonomie temporaire.
Elle comprend des acteurs de tout statut. Lorsqu’elle devient
véritablement une coalition victorieuse, c’est qu’elle permet à
toutes les catégories d’acteurs de contribuer au succès de
l’action commune.
Invention,
innovation, esprit d’entreprise.
On prend le temps.
La coalition renouvelle partiellement les conditions de l'échange
socio-politique et elle est souvent le lieu d’émergence de
nouveaux acteurs, ou celui de la reconnaissance d’acteurs à faible
statut.
Émergence.
D’une
autre expertise, d’une autre parole, en contre ou en pas de côté.
La
coalition peut accueillir des acteurs formels et/ou institutionnels.
Bien
sûr et c’est même bien plus facile en apparence.
Ça
va plus vite.
Le
projet de deuxième aéroport toulousain au milieu des années deux
mille est abandonné rapidement. La coalition anti-aéroport est
adossée aux élus socialistes du département et de la région,
hostiles au maire UMP de Toulouse, le porteur du projet.
conseillers régionaux, conseillers généraux, maires – à l’exception de celui de Toulouse, Philippe Douste-Blazy, qui, lui, souligne le manque d’audace des élus, qui voudraient construire le nouvel aéroport chez les autres - dénoncent ce projet comme un nouvel épisode de l’impérialisme des villes vis-à-vis de l’espace rural. Certaines associations vont même jusqu’à considérer qu’après avoir exporté leurs déchets vers les zones rurales, les grandes villes veulent y exporter leurs nuisances sonores. »
À
Nantes, l’absence de concurrence politique et le cumul des mandats
entre collectivités escamotent cette part de la discussion, d’autant
que le projet d’aéroport est en sommeil ou encore discret lors de
la transition électorale entre droite et gauche.
Gainsbourg
le disait déjà.
« J’ai
retourné ma veste, mais l’intérieur est en velours. »
Les
dossiers de l’Association contre un nouvel aéroport toulousain,
montrent que la présence d’élus décisionnels dans la coalition
ouvre la parole politique formelle. La mythologie métropolitaine et
l’ambition que son attractivité résume le devenir des territoires
sont contredites pied à pied.
« Jusqu'à
présent la pression de Toulouse a été subie. »
« Partenariat
avec la métropole pour répartir le développement. »
« Délocaliser
pour développer les villes moyennes en accord avec la métropole, et
non pour les mettre à l'ombre de la métropole. »
Frasques
de Méridionaux, on nous dit même que les élus se seraient engagés
à ne pas rouvrir le dossier avant trente ans. Aujourd’hui, la
mairie de Toulouse a changé de couleur politique et a été reprise
à la droite et à ses héritages familiaux, à son projet
d’aéroport.
Un
autre imaginaire, le temps d’une valse.
« Certains
politiques ont besoin de lancer un projet symbolique coûteux sur
cinq ans. Dans un mandat, une belle inauguration se voit. Mais il
faut être courageux et revenir à des modes de vie plus
raisonnables »
« Faire
dans le grandiose, se dire qu’on est pas un homme politique si on
n’a pas sa gare ou son aéroport… c’est l’imaginaire des
grues de Dubaï, un problème d’imaginaire collectif. »
On
voit qu’il y a dans la coalition, de l’aléas.
Une
configuration politique.
Une
opportunité.
Une
histoire locale.
Un
territoire.
Une
fenêtre de tir.
Un
AZF.
Trente-et-un
morts sans ordonnance.
« VILLAGE
EN DANGER
Vinci
déporte la population. »
Conflits
Le
Ministère de l’Environnement publie en juillet 1996 un rapport à
la ministre Corinne Lepage.
Débat
public et infrastructures de transport.
La
Commission nationale du débat public vient d’être créée.
Les
rapporteurs évoquent en introduction deux ornières jugées très
françaises, la « détermination à priori de l’intérêt
général » et le « déficit de participation ».
Une
question de culture politique.
Les
rapporteurs.
Énumération.
Temporalité
longue.
Imbrication
des échelles.
Montants
investis.
Conséquences
largement imprévisibles des aménagements.
Intérêts
souvent contradictoires, entre forts et faibles notamment.
Dommages
subis par d’autres que les promoteurs de l'infrastructure.
Question
de la protection et de la conservation.
Pertinence
même de l'investissement.
Concurrence
dans le choix des investissements.
Ni
la détermination de l’intérêt général, ni la méthodologie
d’approche ne sont faciles à définir.
Les
rapporteurs nomment « disjonction » ce système de
contraintes croisées, que les procédures d’alors (1996) sont
incapables de prendre en charge autrement que sous la forme de
l’affrontement ou du déni.
Traits
de plume et lieux communs.
Explication
généralisée par le phénomène NIMBY.
Mono-causalité
utilisée par ceux des aménageurs qui prétendent que la
concertation est inutile et se révèle peu efficace.
Les
opposants dans des systèmes spatialisés complexes.
Intérêt
général ou somme d’intérêts particuliers.
L’enquête
publique est réalisée quand le projet d’infrastructure est déjà
acté, généré et cadenassé. L’enquête publique ne sert qu’à
obtenir la déclaration d’utilité publique.
La
DUP lance les expropriations.
Fantaisie
banale d’élus.
Contrats
quelquefois signés avant la DUP.
Au
printemps 2007, la SNCF commande au nom de la région Pays de la
Loire, des voitures tram-train.
Quinze
mois avant l'enquête publique ouverte en juin 2008.
Le
vice-président de la région, chargé des infrastructures, répond
au plaignant que « si on
attend que les infrastructures soient opérationnelles pour passer
les commandes, les lignes seront prêtes mais n'auront pas de
matériel roulant. »
Le
plaignant, un expert transport, propose une alternative rail urbain.
Séduisante
et documentée.
Plus
rapide et plus sûre.
Un
mode créatif de déplacement.
Rejet
dans l’enquête publique.
La
DUP, validation juridique du projet de la Région.
1996-2013.
La
mutation est loin d’être terminée.
Le
rapport de 1996 signale un moment de forte évolution des relations
entre les acteurs de l’aménagement, malgré les réticences au
changement chez de nombreux responsables de projets, malgré le refus
de la contre-expertise et celui d’une expertise partagée.
À
Nantes, une véritable enquête publique aurait dû être menée sur
la question aéroportuaire dans son ensemble.
Avec
un autre territoire de référence que les communes impactées par la
ZAD.
La
Commission du débat public préjoue l’enquête publique.
Débat
intitulé.
Projet
d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, aménagement d'un site
aéroportuaire pour le « Grand Ouest » à Notre Dame des
landes.
Chambre
d’enregistrement.
L’enfermement
dans le dispositif 1967-1974, localisé à Notre-Dame-des-Landes,
dans un contexte qui aujourd’hui n’est plus, réduit le travail
de la Commission du débat public, puis de l’enquête publique à
une farce administrative – 82 % de contributions hostiles au
projet, démission de deux commissaires-enquêteurs.
Avis
favorable.
Tout
au plus, le débat nourrit-il la dynamique de la contre-expertise.
« Grand
ouest », grand burlesque.
Bassin
de chalandise théorique pour officines.
Le
bilan officiel du débat pointe lui-même ses propres défaillances.
Ouais, man, le débat est appuyé sur la documentation des porteurs du projet.
Ceci
exclut de « refaire en profondeur le
dossier du débat, dont il faut rappeler qu'il est de la
responsabilité du maître d'ouvrage ».
« Faut-il
aller plus loin et considérer qu'un "véritable débat
public" suppose une présentation exhaustive de toutes les
options possibles ? Dans l'absolu et pour l'avenir, il est certain
que les débats publics devront avoir lieu en amont des projets, à
un moment où les études sont suffisamment avancées pour que l'on
ait un dossier précis, mais où en même temps les options restent
ouvertes et où rien d'irréversible n'a été décidé. Mais
aujourd'hui, et pour quelque temps encore, nous sommes dans une phase
de transition : la Commission nationale du débat public est saisie
de projets dont les "caractéristiques essentielles" n'ont
pas fait l'objet d'une publication, mais qui ont néanmoins déjà
quelques années de vie et il est donc inconcevable de faire comme si
certaines options n'avaient pas déjà été prises. »
En
2006, Philippe Subra cartographie l’activité de la Commission du
débat public depuis sa création.
Un
seul aéroport mis au débat.
Curiosité.
Résidu.
Trace.
Fossile
vivant d’une époque disparue.
Kafka
muté de la Commission d'appel d’offres à la Commission du débat
public.
D’autres
acteurs publics vont encore plus directement à l’absurde.
En
2006, pour tester une piste perpendiculaire à Nantes Atlantique, les
services du Conseil général font un copier-coller du projet NDDL à
deux pistes sur la plate-forme actuelle et concluent à
l’impossibilité de cette alternative.
Ainsi,
le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes survit à la
mutation des procédures d’aménagement.
Projet
daté dans ses objectifs, il l’est aussi dans sa méthodologie.
Processus
de détermination de l’intérêt collectif du projet menés
formellement dans les années 2000, mais en réalité taillé aux
normes des années 60 et 70.
Le
conflit.
Oream, mon amour.
(copyright Margerite Duras, 1970)
Une
dissonance non seulement spatiale, mais aussi temporelle.
Le
vieux a nourri le vieux.
C’est
kif-kif, mon blédard.
Contradiction
avec le discours métropolitain de la créativité.
Avec
cette idéal de laboratoire du changement urbain, dont le plan-guide
de l’île de Nantes a été proclamé bonne pratique remarquable.
Avec
la plasticité, la réactivité d’une société de la connaissance.
La
gestion de la réunion est conçue pour tuer le temps, tuer
l’échange, tuer l’interaction.
Tous
les apports experts extérieurs sont rejetés et les critiques
éludées.
Ça
promet.
Double
discours, double pratique.