Démolitions [part 1]

La Vache Rit.
Un jeudi soir de décembre.
Nuit intense, chaussée boueuse.
BZH.
Bienvenue en Zone Humide.
Barrages de dizaines de gendarmes mobiles illuminés qui contrôlent et arrêtent les véhicules.
Marcheurs et cyclistes presque invisibles, en grappes sur la chaussée et dans les chemins.
« Qu’ils partent ailleurs, s’attaquent à d’autres cibles. Ce combat est perdu d’avance. Le Préfet des Pays de la Gloire. » Une bâche manuscrite et maladroitement réalisée est suspendue aux poutres du hangar. « La fatigue se fait sentir chez les gendarmes, raconte un témoin. » Sous la bâche-dazibao, deux à trois cents personnes sont assemblées et discutent du retrait des chicanes installées sur les départementales 81 et 281. Ces barricades érigées par les expulsés des assauts de l’automne 2012 ont été depuis transformées en chicanes. Les forces de l’ordre en interdisent le plus souvent l’accès et, en cas de réalisation de l'aéroport, ces deux routes disparaîtraient, elles traversent perpendiculairement les deux pistes du projet Vinci.
Transformé en infirmerie pendant les interventions policières, la Vache Rit est un grand hangar agricole au bord de la départementale 81 : bois, tôle et ciment irrégulier, plein air, un local fermé en matériaux récupérés et de vieux fauteuils style « interco » glanés, empilés dans un coin. La Vache Rit est prêtée par un couple de paysans et l’archive de la lutte se lit dans le bâtiment.
Lieu de métier.
Lieu de stockage.
Lieu de rencontre.
Butte-témoin, garage, atelier, tertre, môle, lampe-tempête, icône.
Cantine.
Car il est vrai que toute lutte a besoin des lieux pour être.
Il n’est pas de lutte hors-sol.
Il faut penser, parler, agir, manger, ne rien faire, dormir, produire, déféquer, rêver, aimer.
Ce qui ne signifie nullement immobilité.
Marcher.
L’usage des lieux, c’est aussi la mobilité.
Ne pas figer.
Lieu.
Lieu de parcours.
Lieu de travail.
Lieu oralisé, lettré, militant, fantasque, dérisoire et concret.
Palais d’hiver d’un facteur Cheval option bassin laitier dissident.
L’infirmerie est suspendue à la levée de l’option militaire. Après les morbides randonnées casquées des 24 et 25 novembre et le discrédit croissant des porteurs du projet, la zone impactée retrouve une violence de basse intensité à base de contrôle policier, de harcèlement médiocre et de manipulation médiatique. La Vache Rit redevient l’un des espaces de délibération et d’invention contre la réactivation du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les réunions de préparation du Camp Climat de 2009 s’y sont tenues et bien d’autres, avant et après.
Une pépinière
Point zéro de la lutte.
Points kilométriques ultérieures.
Le Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport créé en 2009 après la déclaration d’utilité publique.
Le rhizome des occupants agglomérés sous le nom bientôt suranné de zadistes, venus occuper maisons et fermes expropriées avant et après le Camp Climat de l’été 2009, rhizome expansé, déstructuré et recomposé après les violences de l'automne 2012.
Toutes sortes de collectifs.
Juristes, pilotes, naturalistes, collectifs locaux, proches et lointains, marcheurs et cetera.
Croissance et coalescence de la coalition.
Même François Bayrou.
Février 2010, les coudes posées sur la toile cirée des Fresneau, le centriste bègue tient un discours contre l’attractivité métropolitaine et la spéculation immobilière qui fait de lui l’un des idéologues cachés de la ZAD et de ces enfants sans aveu venus contester l’aéroport et son monde.
Même Jean-Luc Mélenchon, proto-présidentiable qui y a embourbé sa voiture et sali son costume.
Même le conseiller ULM et gel-douche du Président qui doute.
Bref.
Tous les éléments de la coalition sont passés à la Vache Rit.
« Géomètres dehors ! ».
Malgré le distributeur de parole et le facilitateur, les jeux de mains à la québécoise qui remplacent cris ou applaudissements, le débat n’est pas facile. « Les avis, c’est comme les trous du cul, chacun a le sien. » Une commission cherchera une proposition de consensus pour contourner l’absence de décision.
Retirer maintenant ces barricades devenues chicanes, si âprement défendues contre des fonctionnaires de police et de gendarmerie venus démolir sur ordre des maisons dont ils ne savent rien pour un projet dont ils savent si peu. Et qui, quand ils savent et parlent un peu, disent souvent ne pas être d’accord avec ce qu’ils font.
Évitant la chambre d’hôtel et attendant l’embauche, ils médisent d’eux-mêmes.
Comprenne qui pourra.
Les gendarmes mobiles occupent les succursales des chaînes hôtelières en Loire-Atlantique et dans les départements limitrophes. Les femmes de ménage n'en peuvent plus. Une facture de dizaines de millions d'euros avec les primes, la hausse du prix de l'essence et celle du gaz lacrymogène. Un gendarme démissionne au plus fort des violences collant un autocollant anti-aéroport sur une estafette, abandonnant ses collègues au milieu de la boue et des cris.
Non.
Rumeur, un simple badge sur un uniforme.
Engagement de très basse intensité.
De nouvelles compagnies s'étonnent en arrivant que les gens passent par les champs gorgés d’eau, évitent les croisements qu'ils tiennent, les contrôles d’identité et les fouilles. Comme si les fonctionnaires en tenue n’étaient là que pour bavarder avec des licenciés de la fédération française de marche nordique.
« Vous défendez une idée, nous, on défend des pelleteuses. D’accord, donc, on a un boulot... »
Guerriers du vide, ignorants volontaires, prenant connaissance de la nature du conflit en lisant Le Nouveau Détective dans le fourgon, moteur allumé.
Il fait froid.
Lassitude.
Les syndicats policiers s’inquiètent de la lourdeur du dispositif et des récupérations, de l’ambiance Front de l’Est.
On dirait que ça te gène de marcher dans la boue.
L’usure.
Pourtant, au check-point, le bleu a une intuition.
« Si vous ne lâchez rien, vous allez gagner. »
Et nous-mêmes, indigènes de la Basse-Loire, nés dans la vase et dans la boue, dans des maternités autrefois modestes, dans la ville populaire et bourgeoise, dirigée d’une main sur la bouche, découvrons chaque jour un nouveau kyste.
Nous apprenons.
À l’aine du grand projet farfelu né dans l’obscurité prospective de la planification des années soixante-dix.
Ordre et progrès.
Que les féodalités techniques et politiques, à la fois changeantes, continues et colériques, y portent le néant dans sa face publicitaire et univoque.
La fureur de bâtir.
Laisser sa trace, son nom.
Impacter le territoire, la société.
Facturer, rétribuer, combiner, arranger, noyauter, féodaliser.
Se reproduire indéfiniment.
Le pâté obscur de la farce.
Nous devons travailler pour comprendre.
Sinon rien.
Au risque de notre idiotie de paysans foncièrement restructurés et de salariés psychiquement débandés.
De chômeurs désemployés.
Comprendre n’est pas donné.
Pas même à l’endroit où on l’on croit que tout se joue.
Comprendre prend du temps.
Comprendre se conquiert et se défend, se construit dans l’espace et le temps, dans l'action, dans la relation.
C'est l'université invisible aux échelles mobiles.
Les chicanes des deux départementales, elles-mêmes contrôlées par les gendarmes qui questionnent, contrôlent, vérifient les coffres, eux-mêmes contrôlés par des arrêtés préfectoraux à répétition et légalité douteuse. Conserver alors ces chicanes et pour de bonnes raisons, plutôt que de les défaire... Le débat n’est pas si nul, même s’il est petit et localisé, ce soir de décembre. Échelles de temps et d’espaces sollicitent le conflit dans son énonciation même, dans la difficile estime de la bonne bascule entre la nécessaire mobilité et la nécessité immobile.
Agir et non-agir.
S’aviser.
Ne plus bouger.
Être devant.
Écrire la route avec ses pieds.
Fuguer.
Les deux fugueuses sont bien là.
À leur manière, elles ont répondu à l’appel d’offres.


Geneviève et Camille, seize et dix-sept ans, lycéennes, sont parties du Puy-en-Velay, département de la Haute-Loire, le 4 décembre.
Elles ont annoncé qu’elles le faisaient.
Elles sont localisées à Notre-Dame-des-Landes le 29 décembre.
Sur la ZAD.
Zone d’Aménagement Différé.
Des réserves foncières à moyen et long terme constituées par des acteurs publics pour différents projets d’aménagement. Ici, un droit de préemption ouvert pour une période de sept ans renouvelable une fois. En 1988, le Conseil général de Loire-Atlantique perd son droit à préemption. Les travaux n’ont toujours pas commencé depuis l’arrêté préfectoral de 1974. La collectivité s’arrange alors avec des maires complaisants pour se recréer un droit de préemption sur chaque commune. Aux élections municipales de 2004, les électeurs se rebiffent et c’est une nouvelle procédure issue de la déclaration d’utilité publique qui permet les expropriations actuelles.
Zone À Défendre.
Camille, curieusement, c’est le prénom qu’ont choisi des occupants sans titre, bien avant cette fugue, pour se nommer comme invisibles-visibles. Étrange appel d'offres.
Camille.
Modalité langagière contre l’émergence de l’autorité de surveillance.
Circonscrire ainsi le culte de la personnalité entretenu à grands frais par la presse, chez la plupart d’entre eux déconsidérée, et plus encore par la police. Trouver des têtes, des visages, des gueules, des « bons clients », des suspects, des têtes à claques, des coupables, des responsables, des interlocuteurs, des chefs. Personnifier, psychologiser, individualiser, identifier, scénariser, séparer, corrompre. Face à ce déni du pouvoir, l’archivage policier de la lutte, quoique maladroit, burlesque et en un sens dépolitisé, apparaît systématique, systémique et inquiétant, numérique et harcelant. La démarche d'écriture même devient matière première du renseignement, de l'action préventive de la bureaucratie.
Culte inversé de la personnalité aux curieux effets boomerang.
Quand quelqu’un rallume la lumière.
De l’autre côté de la barricade.
On voit.
En mairie de Nantes, délégation et direction dites de la tranquillité publique, trois anciens responsables des RG aux postes clefs dans une même mairie, c’est unique en France et la discrétion n'empêche pas le scandale à répétition. Opposants, immigrés roumains, « cas sociaux ». Le contrôle social s'accumule, se projette et disperse. En préfecture, le préfet qui instruit jusqu’en juin 2009 l’appel d’offres pour la réalisation de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, travaille depuis 2011 comme conseiller du directeur de Vinci Autoroutes, au sein du même groupe chargé de réaliser l’aéroport. « Il n’y a aucun lien entre ce que j’ai fait comme préfet et ce que je fais ici. » Son épouse travaille à la section des travaux publics du Conseil d'État, qui instruit les contestations juridiques rejetées en 2009 et 2010.
En Loire-Atlantique, zone d’expérimentation flottante des lanceurs de balles de défense et zone de destruction des stocks de grenades.
et zone de destruction des stocks de grenades.
Lacrymogènes.
Désencerclement.
Assourdissantes.
Un flux tendu depuis l'usine sarthoise de grenades vers un département à forte tradition contestataire, la Loire-Inférieure.
« Atlantique », c’est pour faire style, l’ancien nom est le vrai.
Une zone d'inquiétant laisser-aller révélée par des faits-divers tragiques impliquant des policiers.
Chez les grands élus, les éléments de langage sentent le fiasco policier façon Alliot-Marie et la religion de la croissance vieille école.
« Une violence criminelle d’activistes radicaux. »
« Les gesticulations, les mensonges et les discours démagogiques de certains élus locaux minoritaires. »
« Les spécialistes de la guérilla urbaine. »
« Une manipulation grossière. »
« Une lutte idéologique contre le progrès, le développement et la croissance de nos territoires. »
« Un nouveau modèle de société symbolisé par des cabanes dans les bois et des potagers autogérés. »
« Ces étrangers qui voudraient nous empêcher de développer nos territoires »
« L’imposture intellectuelle, etc. »
On en passe et des meilleures.
Le socialisme municipal a la gueule de bois. Le cabinet noir a remplacé l’utopie jaurèssienne dont la marque a été pillée par d'autres. On se croirait à Lyon Métropole ou dans le bassin minier. Tout s’arrange entre soi. Ce provincialisme féodalisé en démesure achète des pleines pages de propagande dans les journaux et lance en pleine occupation policière un appel d'offres de lobbying pro-aéroport pour deux cent mille euros
Travailler notamment l’e-réputation du projet.
La crédulité du moderne.
« Le présent marché a pour objet d’assurer des prestations de lobbying et d’influence, de conseils stratégiques et opérationnels et d’appui pour la mise en place de programmes d’envergure.
[...]
La mission du prestataire du lot 1 portera sur l’élaboration d’une stratégie de lobbying auprès des institutionnels
et du grand public afin de promouvoir la réalisation du futur aéroport du grand ouest.
[...]
Le prestataire du lot 2 proposera un plan stratégique et un programme opérationnel répondant aux mêmes
objectifs que le lot 1.»
Les journalistes sont la cible et le langage ce qu’il faut domestiquer comme on domestique le grand public.
« Je veux mon aéroport et je vous emmerde. »
Cumul des mandats dans le monde politique et le monde professionnel. Chassés croisés, chaises musicales, manèges, carrousels et renvois d'ascenseurs entre amis, élus et employés. Construction des féodalités masculines à peine bousculées par la parité, des chefs de cabinet coupe-jarrets à l’achat des consciences par l’emploi, la subvention, la promotion et l’intimidation.
Première pression à froid.
Extravagant cumul des mandats dans le temps et l’espace, premier obstacle à l'existence même d'un débat public, à la morale élémentaire et au bon sens. Un velours totalitaire qui se nourrit de provincialisme et de petites concurrences, et finit en DUP viciée et stérilisation des militants sincères. La main sur la bouche.
Nous pourrions les prendre au sérieux.
Plus tard, dans le texte.
Là, tout de suite, nous allons fuguer.
Ayant reçu plus de quatre mille demandes de dossier à cet appel d’offre, le Conseil régional a annulé son marché en e-réputation.
Alors, nous aussi, nous allons marronner.
Bouger.
Déguerpir.
À la cloche de bois.
Visa bocager.
Bocage urbain et rural.
Petites fugues et art de la disparition.
Visite de la nécropole.
Art de la réapparition.
Et, sans l’excuse de minorité, nous nous bornons à constater la réponse en acte des deux lycéennes à l’appel d’offres permanent du syndicat mixte aéroportuaire.
Les fugueuses se sont déplacées.
Tout simplement.
L’une d’elles est déjà repartie avec ses parents. L’autre manifeste au même moment devant la prison privée de Nantes. Livrée en 2010, celle-ci appartient au groupe Bouygues qui en gère tous les services : intendance, logistique, réinsertion, restauration, blanchisserie, cantine, transport, accueil des familles. L’État verse vingt millions d’euros par an et ne traite plus que du personnel de surveillance. Il récupérera les bâtiments dans vingt-sept ans.
Les ruines, aurait dit Coluche.
Un occupant de la ZAD y est incarcéré.
Cyril.
Condamné en comparution immédiate fin novembre après s’être fait arrêter par des gendarmes en civil infiltrés sur une barricade.
Numéro d’écrou 57360.
Depuis cette ouverture, la Cour des Comptes a violemment remis en cause le mythe de bonne fortune des partenariats public-privé.
Un instrument financier toxique.
La Ville du Mans, son nouveau stade Vinci et son équipe de football en faillite, en sait quelque chose.
Comme dans d’autres partenariats ailleurs.
Le gouvernement en renégocie piteusement les plus scandaleux.
Elle est repartie aussi.
La seconde lycéenne.
Geneviève.
La fugueuse numéro deux.
Chez elle.
Après de nombreuses discussions.
D’autres fugueurs sont maintenant sur place.
Parents démissionnaires.
Selon la préfecture de Loire-Atlantique, l’appel d’offres de la ZAD, c’est en réalité une capacité de plusieurs milliers de fugueurs/fugueuses par hectare/semaine.
Des itinéraires intra-familiaux qui ne sauraient intéresser la justice. La quête poétique d’une nouvelle transaction entre générations selon le procureur de la république. Peut-être la renégociation de la parentalité dans une société devenue incapable de reconnaître et d’employer les talents de sa jeunesse.
Le droit de vote à seize ans dans un société qui vieillit.
Une pédagogie de la responsabilité.
Du pain bénit.
Notre-Dame-des-Landes, priez pour nous.
Parents, surveillez vos enfants.
Enfants, surveillez vos parents.


Premiers tirs de drone sur la ZAD à la mi-octobre 2012.
On connaissait l’hélicoptère capable de lire une plaque minéralogique à trois cents mètres et de repérer en pleine nuit, avec sa caméra thermique, un petit homme vert constipé au milieu du bocage. On connaissait sa trace sonore récurrente, ses prouesses technologiques, son empreinte carbone flamboyante et ses parcours obsessionnels, son histoire et sa symbolique coloniales.
Des fermes expropriées et bien qu’occupées, soumises à un arrêté d’expulsion, sont détruites par des missiles tirés depuis un drone.
Des maisons réduites à l’état de gravats.
Les Planchettes, la Sècherie, la Gaieté et cetera.
Grandes bâtisses paysannes.
Des toilettes sèches.
Mais non. Des gendarmes et des bulldozers ont suffi. Les drones sont destinées aux banlieues et aux zones tribales
Blague, lecteur.
C’est des émeutes bocagères qu’on vit.
Une émeute sans la mythifier.
Démystifier cette violence-là.
Le territoire vivait avant le conflit.
Il n’avait pas besoin d’être démoli pour exister.
Des jardins sont rasés, des zones de maraîchage piétinées et gazées. Les automitrailleuses de la gendarmerie - n'exagérez pas bon sang, ce n’est pas l’Algérie ! - s’embourbent dans la boue ocre et noire des chemins.
Le Sabot.
Zone de maraîchage en bande organisée.
Sabot-âge.
Manifestation de re-sabotage.
Les maisons détruites.
À la mi-janvier à nouveau.
La ferme de Saint-Jean-du-Tertre mal défendue est tabula rasée.
Effacement territorial complet.
Quatorzième destruction préfectorale, il ne reste rien.
Préemptées par le Conseil Général, leurs gravats sont immédiatement évacués sous protection policière et stockés en dehors de la zone. Les autorités annoncent que ces fermes réduites à l’état de déchets serviront aux terrassement des pistes. Un codicille vindicatif au label HQE revendiqué à l'écœurement dans les publicités des exécutifs des collectivités et les éléments de langage du promoteur concessionnaire.
Haute Qualité Environnementale.
Peut-être.
NF Ouvrage Démarche HQE®.
« On m’aurait menti. »
HQE™ Aménagement.
« À l’insu de mon plein gré. »
« Les lobbies industriels autant qu’énergétiques ont largement compris le caractère fécondant de ce nouveau dispositif idéologique, et structuré les normes opposables.  »
Les nuisances du cycle de production sont externalisées vers l’ailleurs, vers les économies émergentes.
Un label pour enfumer.
Le logo qui cache le vide laissé par la démolition.
L’arbre malingre et effeuillé du greenwashing nantais, déjà mort, presque abattu, tant on a tiré dessus jusqu’à l’os, jusqu’à la brisure.
L'éco-écœurement.
Nantes, capitale verte européenne 2013.


L’arbre mort du greenwashing démoli avant d’avoir vécu.
Les cadavres des milliers de grenades ramassées dans les champs et les bois, comme le signe d’une immense beuverie républicaine, d’une orgie politico-administrative.
La grande bouffe.
Dans la forêt de Rohanne, les cabanes perchées sont détruites et leurs habitants délogés par les grues automotrices et le peloton de gendarmerie de haute-montagne, entourés de mille cinq cents fonctionnaires casqués aux trois-huit. Écho gigantesque aux décrochages des militants anti-aéroport des arbres du square Élisa-Mercœur au centre de Nantes en septembre 2011 pendant le festival des Rendez-vous de l’Erdre. Ces mêmes arbres aujourd’hui abattus signant d’une simple croix la transformation radicale de cette partie de la ville. Le GIGN en décroche les occupants avec la grande échelle des pompiers, coup de taser dans les branches, gazages au sol, matraques, arrestations, procès.
Ici, on fait « glisser » le square Élisa-Mercœur, on le « transfère ».
Massacre à la tronçonneuse pour dégager le futur Carré Feydeau qui sort de terre à quelques mètres de là.
Vinci Immobilier.
Treize mille mètres carrés de commerces, soixante-seize logements de standing et un parking de cinq cent vingt places. Mystification du discours de l’intérêt public levée par les images de synthèse dont les sites web sont saturés.
Mixité sociale et démotorisation façon Vinci et Nantes Métropole.
Invisibilisation des pauvres et des voitures.
L’émeute, c’est quand la démocratie a cessé d’être fonctionnelle et que la délégation de pouvoir n’est plus opérante que par l’action policière.
L’émeute bocagère résiste.
Jeunes et témoins qui observent et contiennent la violence d'État.
La manifestation de réoccupation et de reconstruction du 17 novembre.
Un pèlerinage.
Quarante mille personnes sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Un mariage, aurait dit Bernard Lambert, le syndicaliste paysan de Loire-Inférieure.
Le mariage de la décroissance et du bon sens.
De nouvelles maisons en bois et paille, préfabriquées ailleurs et amenées sur zone par tracteurs et porteurs.
L’émeute et le pèlerinage, portés par la lutte de quarante ans, obtiennent, ensemble, une commission atrophiée et six mois de délai sans défrichement.
« Ça me fait mal au ventre. J’ai grandi ici, entre la Gaîté, les Domaines et l’Épine. Maintenant, je n’ai plus rien. Je suis un squatteur. Mes vaches aussi. »
Point de bascule.